Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/229

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— J’en ai vu aussi, quand la grande caravane est partie avec le tapis que les Musulmans envoient à la mosquée de la Mecque.

— Saurais-tu te tenir en équilibre sur la bosse de cet animal-là ?

— Je le crois, puisque je sais monter à cheval.

— C’est quelque chose, mais ce n’est pas la même chose. Et dis-moi aussi, crains-tu le soleil ?

— Pour ça, non ; mais il faut bien vous dire général, que notre chapeau n’est guère une coiffure commode pour ce pays-ci, fit Jean qui s’enhardissait.

— Je le sais bien, mais crois-tu donc que je puisse vous faire faire des coiffures ici, comme à Paris ? D’un autre côté, je ne peux pourtant pas vous donner le fez turc ou le turban arabe : donc tu garderas ton chapeau.

— Mais oui, mais oui, se hâta de dire le petit sergent.

— Et je te nomme maréchal-des-logis avec double solde dans l’escadron des dromadaires qui sera formé ces jours-ci.

Maréchal-des-logis ! ce n’était pas de l’avancement cela, puisque, dans la cavalerie, c’est le grade qui correspond à celui de sergent dans l’infanterie.

Jean eut envie de dire : « Je voudrais bien rester à la Neuvième », mais il n’osa :

Qu’eût pensé le Maître ?

— D’ailleurs, poursuivit ce dernier, puisque je vais te faire courir quelques dangers, il est juste que tu aies une compensation : tu as laissé des affections en France, m’as-tu dit ?

— Oh oui ! ma mère et ma sœur adoptives.

— Prépare une lettre que tu enverras à Berthier : elle leur parviendra, je te le promets. »

Jean, très ému, ne trouva rien à répondre. Que de fois déjà, il avait songé à leur écrire ; mais toutes les routes étaient fermées, du moins il le croyait.

Il prit la main du général et la porta vivement à ses lèvres.

Un sourire passa sur la face pâle du futur empereur : cette preuve d’affection passionnée le touchait plus qu’il ne voulait le laisser paraître, et il y répondit par une petite tape amicale sur la joue de Jean Tapin.

Le lendemain même, notre héros était mis en présence d’un dromadaire, et un Bédouin, uniquement servi par une mimique expressive, lui apprenait