Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/239

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De l’autre côté de la porte, Jean se trouva dans un couloir très bas et qui paraissait sans issue, car, en arrivant au fond, il sentit la maçonnerie sous sa main. Par précaution, il n’avait pas rallumé sa lanterne ; mais, en revenant sur ses pas, il découvrit un boyau qui s’ouvrait sur la gauche, le suivit pendant une dizaine de pas, tourna à droite et aperçut des étoiles dans un coin du ciel…

Il allait siffler : soudain une ombre s’interposa entre le ciel et lui, une ombre coiffée d’un fez et portant un mousquet sur l’épaule. Pas de doute : c’était un soldat turc en sentinelle.

Jean revint sur ses pas et mit Trophime au courant.

« Nous allons disposer la mine dans cet angle du couloir, dit-il : fais apporter les sacs, mets-les en tas ; moi je vais surveiller… Quand ce sera fini, tu renverras tout le monde.

— Mais moi, je resterai ? dit le Marseillais.

— Oui, et tu garderas avec toi un grenadier solide, car ce factionnaire turc n’est peut-être pas seul… Quand tout sera prêt, préviens-moi et j’irai placer la mèche.

— Entendu, bagasse ! »

Jean Cardignac se dirigea vers la sortie du couloir et se tapit contre la muraille, non loin de la sentinelle qui ne pouvait l’apercevoir dans cette ombre épaisse et qui était à cent lieues de soupçonner ce dangereux voisinage. Serrant nerveusement sa hache d’abordage, Jean attendit et les quelques minutes nécessaires à l’opération du transport des poudres, lui parurent des siècles.

À quelques mètres derrière lui, silencieux comme des ombres et pieds nus, les soldats se passaient les sacs comme les travailleurs se passent des seaux d’eau pendant un incendie.

Tout à coup, le Turc se retourna : sans doute il avait entendu quelque bruit.

Il fit deux pas dans la direction du petit sergent ; puis, se ravisant, revint prendre sa place.

Jean avait été sur le point de bondir sur lui ; mais il avait senti à sa ceinture le cordeau de pulvérin qu’il devait disposer dans les sacs de poudre. S’il manquait son coup, le factionnaire donnait l’éveil, et le temps lui ferait défaut pour disposer la mèche et l’allumer.