Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/267

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quelques heures, mon enfant, mais je suis sûr de ne pas me tromper. Si Louise t’aime, elle ne trouvera jamais un bras plus vaillant que le tien pour la soutenir dans la vie.

— Oh ! merci ! fit Jean, les yeux brillants de bonheur.

Quand il réintégra sa prison, une joie immense inondait son cœur ; et la cale sombre et noire lui parut toute remplie de clarté ; il avait emporté tout ce qu’il fallait pour écrire, avait changé son linge usé contre du linge neuf, et caché sous sa veste deux livres trouvés chez celui qu’il considérait maintenant comme son père adoptif ; l’un était Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, l’autre le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce de Barthélemy.

Enfin, il était muni de quelques objets de première nécessité dont la privation lui avait été très sensible depuis de longs mois, entr’autres un couteau et une lime. On ne l’avait pas fouillé et le « master » avait même eu, en le voyant entrer, un mot presque aimable à son adresse.

Rien ne peut peindre la joie d’Haradec en retrouvant son petit ami, et quand, la nuit venue, ils se retrouvèrent seuls dans leur étroit réduit, vous pouvez aisément vous imaginer ce que fut leur conversation et quels espoirs germèrent dans leur âmes.

— Six mois, répéta Jean, dans six mois nous serons libres ! Hélas ! leur détention allait devenir autrement dure que pendant les vingt-huit mois qui les avaient précédés. Les faits que nous venons de raconter se passaient en septembre 1801 ; le Bellérophon reprit le chemin d’Europe et doubla de nouveau le Cap de Bonne-Espérance.

À Lisbonne, les deux prisonniers apprirent que, à la suite de la capitulation d’Alexandrie, toute l’armée d’Égypte avait été rapatriée en France sur des vaisseaux anglais ; donc belle-Rose était rentré à Paris et devait avoir reçu la lettre de Jean.

Le 20 janvier 1802, après avoir croisé pendant quelques semaines sur la côte d’Espagne, le Bellérophon entra dans la rade de Portsmouth, et le jour même, Haradec, Marius et Jean Tapin furent transportés sur le ponton le Protêe.

Un ponton, mes enfants, est un vieux vaisseau démâté, à deux ou trois ponts, transformé en prison flottante. Ne pouvant plus naviguer, il est retenu non loin du rivage par des amarres, et présente l’immobilité d’un édifice de pierre.