Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/327

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ancien M. Belle-Rose, que je suis toujours votre bien respectueux et que la présente vous trouve de même.

« Athanase Grimbalet,
caporal à la 8e du bataillon du 9e de ligne. »


Le ton de bravoure naïve qui s’exhalait de l’épître enchanta Jean Cardignac.

— Allons ! dit-il après l’avoir lue à haute voix à toute la famille assemblée, il y a encore de beaux jours pour la France, du moment que les conscrits se mettent à devenir d’un seul coup des soldats accomplis. L’Empereur peut avoir confiance : la nation est riche en courages, et nous n’avons pas périclité sous ce rapport depuis Valmy !

Certes, mes enfants, Napoléon pouvait être fier de son armée ! Et jamais le proverbe : « Tel chef, tels soldats » ne fut plus justifié ; car si l’armée était aussi forte, aussi belle, c’est que Napoléon l’avait faite avec son génie.

Il est vrai néanmoins que son génie avait trouvé dans la nation française, une race incomparable de guerriers.

Cette foi dans ses soldats devait surexciter l’ambition du héros jusqu’à lui faire oublier, dans la suite, que l’effort et la volonté de l’homme, même de l’homme de génie, ont une limite qu’il est dangereux de vouloir dépasser. Mais, pour le moment, il était le triomphateur universel.

Vivant, il entrait déjà dans la légende. Le peuple entier ne se contentait pas de l’acclamer, mais l’adorait comme un demi-dieu.

Jean Tapin, soldat dans l’âme, devait subir plus violemment qu’un autre ce sentiment d’extrême enthousiasme.

Aussi, à présent que sa blessure, en voie de guérison complète, lui permettait de sortir, vous pensez bien qu’il s’intéressait à tout ce qui touchait à la gloire de son Empereur.

Et le 1er  janvier 1806, il tint à assister au passage des drapeaux pris sur l’ennemi.

Napoléon les avait envoyés à Paris, par une délégation des corps de la Grande Armée, et avait ordonné qu’ils seraient répartis entre la ville de Paris, le Sénat, le Tribunat et Notre-Dame.

Il y en avait cent-vingt ! Et ces trophées arrivèrent à destination au milieu d’une foule en délire, qui acclamait les vainqueurs d’Austerlitz.