Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/361

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C’était d’ailleurs très peu de chose.

— Ce n’est rien, sire, fit Tapin en se bandant le front avec son mouchoir, c’est une égratignure.

Et ferme, il resta à son poste.

Jusqu’à dix heures et demie du soir on se battit avec acharnement, et la victoire nous resta.

L’armée russe, coupée en deux, n’existait plus et, le 8 juillet 1807, après plusieurs entrevues où Napoléon et le czar Alexandre avaient appris à s’estimer, les deux empereurs signaient le célèbre traité de Tilsitt.

En dehors des stipulations officielles, une clause de ce traité garantissait une entente secrète de la France et de la Russie, sur terre et sur mer.

Cette alliance devait se trouver brisée par la suite. Mais vous voyez, mes enfants, que l’alliance franco-russe n’est pas neuve, et qu’en la reprenant aujourd’hui avec nos amis les Russes, nous n’avons fait que suivre les leçons de Napoléon !

Ce fut, vous le pensez, une joie universelle. Le traité de Tilsitt consacrait la puissance de la France dans le monde et mettait le comble à la gloire de Napoléon.

Vingt jours plus tard, le 27 juillet 1807, l’Empereur rentrait à Saint-Cloud.

Spécialement désigné comme officier d’escorte, Jean l’avait suivi, traversant presque sans arrêt toute l’Europe, tantôt à cheval, tantôt en voiture, derrière la berline de l’Empereur.

Une fois son service d’escorte terminé, Jean quitta immédiatement Saint-Cloud, et, suivi de son ordonnance, il se dirigea, au grand trot de son cheval, vers la rue de la Huchette.

Sur le seuil de la porte, Lise, étendue sur une chaise longue, très pâle dans sa robe claire, jeta un cri en l’apercevant, se leva avec effort, et Jean Cardignac en l’embrassant, sentit des larmes couler sur sa joue.

— Ma bien-aimée, s’écria-t-il le cœur serré, quel chagrin te fait pleurer ? Oh ! dis-le moi bien vite, serais-tu malade ?…

Mais elle mit une main sur la bouche de son mari et un sourire d’une infinie douceur vint illuminer son joli visage.

— Tu ne sais pas, dit-elle, viens…

Elle le conduisit dans une chambre retirée, toute tendue de perse rose et montrant du doigt un angle de la pièce :