Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/367

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grenadier de la 9e était maintenant un grognard à fortes moustaches, car on vieillissait vite à ce dur métier.

Quant à Jean Cardignac, son visage au contraire était toujours jeune. Il n’avait du reste que vingt-neuf ans ; et c’était, je vous assure, un bel officier avec sa longue moustache brune, sa figure fine et maigre, sa démarche à la fois élégante et fière.

Lorsqu’ils le voyaient passer, coiffé de son haut bonnet à poil qui le grandissait encore, bien qu’il fut naturellement d’une taille au-dessus de la moyenne, les paysans autrichiens s’étonnaient de voir un officier supérieur si jeune.

Par son allure pleine de distinction et même un peu par le visage, il rappelait son premier colonel, son initiateur dans le métier des armes.

Pauvre Bernadieu ! s’il eût vécu, si une balle ne l’eut pas couché dans la tombe, il eut été bien fier de son élève !… Mais c’est la destinée des soldats de mourir ainsi, emportés en pleine gloire et en pleine jeunesse !

Ce fut donc à la tête d’un superbe bataillon de vieux grognards, la plupart à moustaches grises, rébarbatifs avec les gros favoris qui semblaient continuer sur les joues le bonnet à poil, que Jean revint à Paris.

Il devait y rester deux ans. Il put ainsi voir grandir ses petits garçons, Henri et Jean, et assister à leurs premiers jeux. Ces deux années furent, pour Lisette et Catherine une accalmie, bien douce dans cette tourmente guerrière.

— Enfin, disaient-elles, l’Empereur est au comble de sa gloire ! Il n’a plus rien à désirer. Il est le maître du monde ! Les guerres sont finies !

On pouvait en effet le croire et l’espérer.

Napoléon venait, pour raison d’État, de divorcer d’avec l’impératrice Joséphine et d’épouser la fille des Césars, l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche. Le grand vainqueur s’alliait donc à la famille impériale qu’il avait vaincue à Austerlitz et à Wagram.

Dans les mariages entre souverains, l’intérêt des peuples qu’ils gouvernent prime toute autre considération.

En choisissant pour femme l’archiduchesse Marie-Louise, Napoléon pensait, c’est certain, être utile à la France ; il comptait ainsi faire disparaître toutes traces des anciennes animosités ; mais il poursuivait en même