Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/90

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C’était au village de Longwé.

— Tu retrouveras tes effets quand tu nous rejoindras, dit Bernadieu, et ce ne sera pas long, je l’espère. Maintenant prête-moi toute ton attention.

— Oh ! j’écoute ! répondit Jean très sérieux.

— Voici un pli, un pli très important ; je vais te le remettre. Tu vas t’en aller, tout seul… tu n’as pas peur ?…

— Oh ! non.

— Tu rejoindras Grand-Pré, et tu remettras cette lettre au général Dumouriez.

— J’ai compris, colonel, répondit Jean.

— Le citoyen maire va te mettre sur la route. Il est probable que l’infanterie autrichienne n’aura pas encore débouché en plaine ; mais tu rencontreras probablement des cavaliers. Il ne faut pas avoir peur ; il faut marcher simplement, tranquillement, comme si tu étais un petit garçon habitant dans le pays et non pas tambour à la neuvième. De cette façon, personne ne te soupçonnera. C’est une mission de confiance que je te donne. Je me fie à ton intelligence. En tous cas, cette lettre que tu portes, tu ne dois la remettre qu’au général Dumouriez, qu’à lui seul, tu entends ?

— J’entends bien.

— Avant de partir, tu vas en prendre connaissance — si tu vois qu’on va te fouiller, si tu crains de la voir tomber aux mains de l’ennemi, tu n’as qu’une chose à faire : l’avaler comme un pruneau : Tu as compris ? bien compris ?

— Oui, colonel, j’ai bien compris.

Et Jean lut, griffonnées à la hâte par le général Chazot, ces quelques lignes :

« Après avoir eu le plus grand succès, je viens d’être forcé à la retraite. J’avais d’abord cru que l’ennemi n’avait pas de canons, mais une heure après l’attaque il m’a prouvé le contraire. Vous voyez que ce que j’avais craint est arrivé : coupé de vous, je me rabats sur Vouziers, puis sur Le Chêne ; Dubouquet et moi y attendrons vos ordres. Kalkreuth a dû faire sa jonction avec Clerfayt, car je crois reconnaître devant nous des uniformes prussiens. »

Une demi-heure plus tard, Jean Cardignac quittait le maire de Longwé qui l’avait accompagné pour bien lui montrer la direction à suivre ; c’était un brave paysan aux cheveux gris qui n’en revenait pas de voir un enfant de cet