Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/350

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l’Allemand l’avantage de la place, c’est-à-dire le terrain descendant, et un troisième, semblable aux deux premiers, attribua au plus âgé de ses témoins la direction du combat.

Francesco, superstitieux comme tous les Italiens, se signa sur le front et sur la poitrine pour conjurer le mauvais sort, en le voyant si manifestement contraire ; mais Pierre, un sourire aux lèvres, se campa en face de son adversaire et le fixa de son regard clair.

Gêné par ce regard, l’Allemand se mit à rouler des yeux furibonds ; on pouvait être sûr qu’il n’était pas disposé à ménager son adversaire.

Au signal du Tyrolien, les deux hommes se mirent en garde, et, presque aussitôt, l’Autrichien, opérant la feinte du coup de flanc, fit décrire à son arme un rapide moulinet et l’abattit sur la tête de Pierre Bertigny.

Mais déjà la tête de notre ami n’était plus là : bondissant de côté, il s’était dérobé. Son parti était pris : à cet adversaire, solidement campé comme une forteresse, mais comme une forteresse immobile, il allait opposer l’agilité et l’intelligence de sa race. Ne tenant pas sur place, attaquant avec furie et sautant vivement en arrière aussitôt son coup manqué, il rappelait le combat de l’agile espadon contre la baleine.

De plus, sentant qu’il se fatiguerait rapidement le bras avec une arme aussi lourde, en voulant porter des coups de taille, il se réserva pour les coups de pointe, les seuls en honneur, du reste, dans l’armée française.

Les reprises étaient de deux minutes.

Trois reprises eurent lieu, sans autre résultat qu’un coup de fouet sur l’épaule de Pierre et une légère piqûre sur le biceps de l’Autrichien ; mais la première blessure n’avait produit qu’une zébrure rouge, et l’autre, d’ailleurs insignifiante, n’avait servi qu’à aiguillonner la rage sourde de l’Allemand.

Le corps déjà ruisselant de sueur, la face congestionnée, en raison de l’incessant mouvement auquel l’obligeait son alerte adversaire, le Croate voulut en finir, au début de la quatrième reprise, par son coup favori, le coup le plus dangereux d’ailleurs de ceux qui s’échangent dans un duel au sabre, le coup de tête.

Il débuta par deux moulinets éblouissants de rapidité, simula un coup de banderole, et, avec toute la Altesse dont il était capable, remonta dans la ligne haute pour frapper.

Mais dans ce dernier mouvement il se découvrait fatalement ; profitant