Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/381

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Si d’ailleurs vous avez lu entre les lignes du récit de cette dernière campagne, vous avez déjà senti que le soldat français, toujours aussi brave, aussi vibrant, aussi endurant, avait souvent réparé les erreurs de direction et le manque d’initiative de certains chefs. Tout alla bien en 1859 parce que les Autrichiens, de leur côté, n’étaient pas mieux commandés ; mais il était déjà aisé de prévoir que le courage individuel ne suffirait plus lorsqu’on aurait affaire à un ennemi bien commandé.

C’est ce que la grande lutte de 1870, entre la France et la Prusse, allait prouver, hélas ! en inaugurant la période des guerres scientifiques, en obligeant ensuite les peuples à entretenir des armées énormes, enfin en contraignant les officiers à travailler et à s’instruire pour se remettre au niveau de leurs vainqueurs.


Dans le mois qui suivit le retour à Paris de l’armée d’Italie, Pierre obtint ce qu’on appelait alors un congé de semestre, et son mariage avec Margarita eut lieu à Sainte-Clotilde. Mme Renucci s’était en effet décidée à quitter Milan et à venir habiter Paris.

On était alors tout à l’enthousiasme pour l’Italie, la jeune sœur latine.

L’Impératrice Eugénie, informée de ce mariage par l’Empereur, à qui Jean Cardignac en avait parlé, envoya aux jeunes mariés un magnifique service en argenterie. L’ambassadeur d’Italie assista à la cérémonie religieuse, pour marquer combien son souverain était heureux de cette union d’une vieille famille italienne avec un officier français.

De nombreux officiers, amis de la famille Cardignac, les anciens chefs de Pierre, ravis de son bonheur, vinrent aussi ce jour-là s’y associer par leur présence, et ce ne fut pas sans une profonde émotion que le jeune officier, en entrant dans l’église au son triomphal des orgues, reconnut l’un d’eux, lui souriant doucement, au premier rang.

C’était le colonel Michel, l’ancien président du Conseil de guerre devant lequel, six ans auparavant, Pierre avait comparu comme brigadier de cuirassiers.

Le vieil officier, depuis quelques années en retraite, lui donna en passant une énergique poignée de main :

— Merci, mon colonel, dit Pierre à voix basse. Et son cœur se gonfla au souvenir des émotions anciennes.