Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/121

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Puis le général Cambriels dut nous reporter en arrière, vers Besançon.

J’ai encore fait le coup de feu à Étuz, le 22 octobre, et le 25 à Châtillon.

Enfin, comme les Badois obliquaient sur Dijon, nous voulûmes couvrir la ville, tout en battant en retraite.

Le 30 octobre au matin, j’étais envoyé, avec ma compagnie, en reconnaissance entre Langres et Dijon, où nous accourûmes au bruit du canon.

À trois heures, nous entrions en ville par le faubourg Saint-Nicolas. J’ai donc combattu, sans le savoir, tout près de mon bon ami Paul.

Enfin, à la nuit, je revenais de chercher à la préfecture des ordres pour la compagnie, quand j’ai été touché.

Et la Providence avait, comme à dessein, mis Paul sur ma route pour me ramasser à cet instant précis…


Voilà mes impressions de guerre, ma bonne et chère maman ! Tu le vois, j’ai fait de mon mieux.

J’espère que de là-haut, dans le séjour des braves, mon grand-père, mon oncle et mon père m’adressent un sourire.

En tous cas, j’ai fait ce que j’ai pu pour le mériter.

Et maintenant que je t’ai retrouvée ici, mère chérie, je m’explique ton angoisse affreuse pendant ces longs jours ; mais ne crois pas que je t’aie oubliée.

Dès que j’ai été incorporé à la compagnie du général Galbaud, je t’ai écrit.

Chaque fois que les marches, les contre-marches, les combats me laissaient un instant de liberté, je t’écrivais !

De Raon-l’Étape à Dijon, je t’ai ainsi expédié huit lettres ; mais je ne pouvais te supposer à Champ-Moron.

Pour moi tu étais toujours là-bas, au Havre, et c’est au Havre que j’adressais mes lettres.

Où sont-elles, ces pauvres lettres ? Je n’en sais rien ! Sont-elles en route ? Ont-elles été interceptées par l’ennemi, saisies dans les bureaux de poste ?… T’arriveront-elles après des détours et des pérégrinations ?… Qui le sait ? nous verrons bien ! Attendons.