Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/331

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roula sur le côté… assommé. Puis, sans même en demander l’autorisation, il prit dans la main de Georges, muet d’épouvante, le revolver encore chargé, et froidement, pour être bien sûr que la bête féroce n’en reviendrait pas, il visa l’oreille, tout près, et lui fit sauter la cervelle !

M. Ramblot était sauvé !

— Mâtin de mâtin ! dit alors le sergent, voilà la besogne terminée ; mais vrai !… une minute de plus !… nous ne trouvions plus personne !

Je vous laisse à penser, mes enfants, quelle fut la joie de tous et en particulier de Georges et de M. d’Anthonay, quand le pauvre M. Ramblot sortit de sa case, ensanglanté, presque sans vêtements, la barbe et les cheveux incultes mais vivant !

Et je vous laisse juges de la surprise de ce dernier, quand il sut qu’il devait en partie sa délivrance à Georges Cardignac, qu’il n’avait pas reconnu tout d’abord.

Mais où sa surprise devint de la stupéfaction, c’est lorsqu’il apprit que Barka était son réel sauveur, et cela grâce au bon dîner d’autrefois. Ce soir-là, dans le cantonnement improvisé sur les ruines du « tata » démoli, il y eut autour de la table de l’état-major de la colonne Cassaigne, de la joie, et aussi des larmes.

Joie de la délivrance, et larmes d’inquiétude en pensant à Lucie. M. Ramblot ne fut pas le seul à en verser, car Georges Cardignac lui-même, pris d’une tristesse poignante au souvenir de son amie d’enfance, peut-être encore en danger, sentit sa paupière se mouiller.

Vivement il se leva, prétextant une ronde à faire, et sortit pour cacher son émotion.

Mon capitaine, dit-il, quand au bout de quelques minutes il revint s’asseoir sur son pliant de campagne, mon capitaine, j’aurais quelque chose à vous demander.

— Dites, mon jeune et brave ami.

— Ce serait l’autorisation d’envoyer un courrier à Mlle Lucie.

— Bonne idée, mon cher Georges, s’écria M. Ramblot. Bonne idée ! Je vais lui écrire une lettre annonçant que je suis en bonne santé ; car je suis bien portant, sauf mon estafilade, et ces canailles de nègres ne m’ont pas, somme toute, rendu trop malheureux.

— C’est parfait ! conclut le capitaine. Notre honorable allié, M. Barka,