Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/358

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la terre comme des fourmis ; mais leurs tranchées, ce n’est pas ça qui est dangereux, parce qu’ils les font toujours en ligne droite.

— Alors il suffit de ne pas les aborder de front.

— C’est ça même, mon lieutenant, et alors ils déguerpissent comme des couards de premier calibre ; mais ils ont bien d’autres obstacles que les tranchées pour nous arrêter : d’abord, dans leur pays, l’eau est à discrétion ; et, à chaque pas, on peut s’attendre à trouver devant soi un « arroyo » profond : ensuite, ce qu’il y a de plus dangereux, de plus impénétrable, ce sont leurs haies de bambous.

— Impénétrables, allons donc !

— C’est comme je vous le dis, mon lieutenant ; d’abord les obus de l’artillerie les traversent sans les déranger ; c’est un fouillis impossible, de deux mètres d’épaisseur, quelquefois plus. Si on coupe les bambous à coups de hache (ce qui n’est pas commode, quand on reçoit des coups de fusil à bout portant), ils forment, en tombant, une barrière aussi infranchissable que la première. Si on les arrache enfin, on s’embarrasse et on se déchire les jambes dans leurs pieds aiguisés et durcis au feu.

— Diable, par où les aborder alors ? Dans ce Son-Tay où nous allons, par où entrer ?

— Par la porte, mon lieutenant, il n’y a pas d’autre moyen ; et, vous savez, ce sont des portes solides, épaisses, avec un tas de bricoles derrière ; on n’en vient à bout que par le canon ou les pétards.

Le capitaine Doucet, qui commandait la compagnie de tirailleurs annamites, ajouta aux renseignements de Pépin quelques indications sur les Pavillons-Noirs.

— C’est une bande de brigands qui arrive de Chine, dit-il. Elle est recrutée avec soin parmi les pires gredins et se compose d’hommes superbes, passant leur temps à se battre, armés de fusils des modèles les plus perfectionnés, tirant avec un calme et un sang-froid remarquables, au lieu d’user sans profit, comme le font les Chinois de Chine, des quantités considérables de munitions. Ils en sont d’ailleurs abondamment pourvus.

— Mais par qui ?

— Pouvez-vous le demander, mon jeune camarade ? Par les Anglais. Est-ce que les Anglais n’ont pas, là tout près, à Hong-Kong, une de ces