Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/361

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lants ; les Pavillons-Noirs nous opposent une résistance désespérée ; les obstacles s’accumulent devant le principal rempart de Phu-Xa, — ainsi nomme-t-on la citadelle de Son-Tay. Deux fois les soldats d’infanterie de marine échouent contre l’attaque d’un rempart de bambous, renforcé de buissons épineux, et deux fois ils reviennent à la charge ; les tirailleurs, enfin lâchés, ne parviennent pas plus que les « marsouins » à pénétrer dans l’intérieur de la place. Leur commandant Jouneau est blessé ; deux capitaines d’infanterie de marine sont tués et avec eux le capitaine Doucet, des tirailleurs annamites, celui qui, tout à l’heure, souhaitait bonne chance à son lieutenant provisoire.


Georges Cardignac court, le revolver au poing, à la tête de son peloton, lorsqu’on vient lui annoncer la mort de son capitaine. Le commandement de la compagnie lui revient ainsi à une heure critique, et un instant il se demande si son devoir n’exige pas qu’il se porte vers le second peloton, qui suit à une centaine de mètres en arrière, et où le capitaine se tenait avant d’être touché.

Normalement, c’est sa place.

Mais un des enseignements qu’il a reçus de son capitaine, à Saint-Cyr, lui revient en mémoire. « Pour un chef militaire, disait souvent le capitaine Manitrez à ses élèves, l’exercice du commandement, au combat surtout, consiste tout d’abord dans l’exemple. »

Et, en effet, il est probable qu’en voyant leur lieutenant reculer sous la grêle de balles qui tombe autour d’eux, ses Annamites, l’œil fixé sur lui, en feront tout de suite autant. Georges se contraint donc au calme, « la plus belle qualité du chef au combat », était-il écrit dans les mémoires de Jean Tapin, et, appelant le sergent chevronné qui le suit :

— Allez dire au deuxième peloton de me rejoindre, ordonne-t-il d’une voix tranquille.

Cependant les pertes augmentent ; une bande de Pavillons-Noirs survient sur le flanc de la colonne de gauche et oblige le commandant Belin à détacher un bataillon entier pour lui tenir tête. Le mouvement général s’en trouve ralenti, et, malgré l’ardeur des fusiliers marins, la nuit arrive sans que les ouvrages du bord du fleuve aient été enlevés.

Le point le plus avancé, atteint par les Français, est le point de jonction