Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/364

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des digues : c’est là que se trouvent la légion étrangère et les tirailleurs annamites de Georges. À tout prix, il faut conserver le terrain si péniblement conquis, pour n’avoir pas à le traverser de nouveau le lendemain.

Quatre pièces de quatre arrivent, envoyées par l’amiral Courbet, avec l’ordre de tenir coûte que coûte. Le colonel de Maussion fait commencer un retranchement par les « zéphyrs » pour abriter, contre le tir qui ne cesse pas, les hommes qui vont passer leur nuit à deux cents métres à peine des Pavillons-Noirs. Georges veut en faire autant le long d’une haie de bambous qu’il a enlevée à la nuit tombante, et en avant de laquelle sa compagnie est déployée.

Mais les tirailleurs annamites n’ont pas d’outils.

Quelques maisons bordent une digue à cinquante mètres de là ; l’une d’elles est en flammes ; mais peut-être, dans les autres, trouvera-t-on de ces outils dont les Chinois se servent pour l’entretien des canaux et la culture des rizières.

— Dix hommes avec moi ! demande Georges au vieux sous-officier.

Celui-ci réunit les tirailleurs demandés, Georges prend leur tête et, suivant son habitude, Mohiloff, sans attendre d’ordres, marche sur ses traces ; le jour tombe de plus en plus, mais les lueurs de l’incendie voisin suffisent à guider la petite troupe ; aucun ennemi n’apparaît. Georges n’a pas encore vu de près un seul de ces Pavillons-Noirs dont on parle tant ; s’il lui en tombe un sous la main, il ne le manquera pas, et, le revolver au poing, il s’avance en rampant.

La porte cochère d’une des maisons s’ouvre devant lui, défoncée. Après un instant d’attente, Georges y pénètre ; le vestibule dans lequel il se trouve est dans l’obscurité, mais un tirailleur, qui a suivi le lieutenant et qui connaît la disposition intérieure de ces maisons chinoises, pousse une seconde porte qui fait face à l’entrée, et le détachement se trouve dans une petite cour carrée, où l’obscurité s’épaissit de plus en plus.

La maison semble abandonnée ; mais il sera bien difficile de trouver des outils dans ces pièces obscures. Il est d’ailleurs prudent de les fouiller tout d’abord avec soin. Des tirailleurs ont déniché, dans un coin, des nattes en paille de riz ; ils en ont rapidement fait des torches, les allument, et la cour soudain est vivement illuminée.

Tout à coup, Georges pousse un cri, un cri effrayant, car il vient d’aper-