Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/413

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un excellent homme dont j’ai fait la connaissance, qui t’aime comme son fils, et que j’ai vu faisant sa première sortie à la suite d’une grave opération.

M. d’Anthonay : j’ai reçu par le dernier bateau une lettre de lui.

— Ce n’est pas tout, reprit Paul Cousturier en souriant malicieusement ; il y avait encore là une ravissante enfant à qui jadis j’ai inculqué « les principes du port d’armes », à une époque où elle m’appelait sérieusement « son colonel ». Or j’ai constaté, avant de partir, qu’elle se soucie comme d’une guigne de son ancien « colonel », et qu’en revanche elle pense beaucoup au jeune lieutenant que tu sais.

— Que veux-tu dire ? bégaya Georges.

— Allons, fit Paul, redevenu sérieux, tu ne vas pas me faire croire que tu as oublié cette charmante enfant. Il paraît que, pendant sa maladie, tu l’as soignée toute une semaine comme une vraie sœur de charité. Tu as donc eu le temps de t’apercevoir que la jolie fillette d’autrefois est devenue une ravissante jeune fille, blonde comme les blés, et dont les yeux font rêver à un coin du ciel.

— Blonde ! fit vivement le jeune officier ; c’est de Mlle Lucie Ramblot que tu parles… Mais… elle est mariée…

Il prononça ce mot d’une voix étranglée.

— Lucie mariée ? s’exclama Paul. Ah ça, d’où sors-tu ? C’est Henriette qui est mariée !

— Henriette, mais non ? Ce n’est pas possible. Le docteur civil qui a soigné Lucie, mourante de fièvre au fort de Kita… c’est ce docteur qui l’a épousée…

— Pas du tout ; il a épousé Henriette, avec laquelle il avait fait le voyage de Saint-Louis à Kita. Où as-tu vu qu’il avait épousé sa malade.

— Où j’ai vu cela ? murmura Georges…

Et il fut littéralement abasourdi par cette question.

Au fait, où avait-il vu cela ?

Il n’en savait plus rien.

Comment cette méprise avait-elle pu s’emparer de son esprit et s’y incruster à ce point ? Il rassembla ses souvenirs : le lieutenant Flandin lui avait écrit : « En épousant Mlle Ramblot, le docteur épouse un gros sac d’écus. » Mais en effet il n’avait pas nommé la jeune fille, et c’était lui, Georges, qui, ne pouvant s’imaginer qu’il pût être question d’Henriette,