Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/427

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conque fut rapidement abandonnée à bord du bâtiment, car les coups de canon s’espaçaient régulièrement. Quand le Tarn arriva à Port-Saïd, point ne fut besoin d’explication pour comprendre ce qui se passait.

Le Bayard qui avait marché à vitesse ralentie, comme s’il eût craint de réveiller par la trépidation de son hélice le grand mort qu’il portait, le Bayard venait d’entrer en rade de Port-Saïd. Le Seignelay, venu exprès d’Alexandrie pour rendre les honneurs à la dépouille de l’amiral Courbet, et le stationnaire égyptien, suivant le même cérémonial, faisaient alterner leurs coups de canon ; les bâtiments de guerre et de commerce présents en rade, les consulats français et étrangers avaient mis leurs pavillons en berne, et le Bayard, ses vergues en pantenne, jetait l’ancre derrière la jetée.

— Si seulement le Tarn pouvait s’arrêter ici en même temps, fit le peintre qui paraissait soucieux.

Une heure après, le vœu de l’artiste était exaucé : le Tarn jetait l’ancre à son tour, et, sans mot dire, Paul Cousturier, sautant dans une des nombreuses barques qui, venues du quai, entouraient le transport, se fit conduire à terre.

Quand il revint à bord, deux heures après, il brandissait triomphalement un papier et ne laissa pas à Georges le temps de parler.

— Va fermer ta cantine, et plus vite que ça ! lui dit-il : nous embarquons sur le Bayard pour le restant de la traversée.

— Tous les deux ? s’exclama Georges.

— Tous les deux, bien sûr. Est-ce que j’aurais intrigué pour moi tout seul, voyons ?

— Mais avec quelle autorisation ?

— Avec l’autorisation du capitaine de vaisseau, chef d’état-major de l’Amiral, le capitaine de Maigret ; mais comme je ne le connais pas, ni toi non plus probablement, j’ai eu recours à un intermédiaire que je connais, M. Saint-René Taillandier, chargé d’affaires de France en Égypte. C’est un aimable homme : il était justement à bord du Bayard et a fait la démarche immédiatement.

— Mais encore, quelle raison as-tu pu donner ?

— Ma troisième médaille, parbleu ! Tu t’imagines que ça ne sert à rien, toi, ces choses-là ! Tu vois que ça ouvre quelquefois de belles portes. Gracieusement, bien entendu, j’ai offert d’exécuter, pour le « carré » du Bayard, un