Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/108

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— Georges, que faire ?

Elle parle à voix basse, comme si le son de sa voix l’effrayait, dans cet abîme où ils s’enfoncent.

Il lui montre le trapèze de suspension et explique d’une voix sourde par phrases brèves, hachées…

Il faut qu’elle s’accroche, se suspende à cette barre, pour éviter le choc, le contre-coup qui leur brisera les jambes quand la nacelle heurtera le sol.

Mais elle est dans l’impossibilité de bouger…

Ce n’est pas seulement le froid qui la raidit, c’est l’hébétement, qui l’empêche de faire un mouvement, et qui ne laisse en son cerveau qu’une idée surnageant dans le désarroi de toutes les autres : rester là, près de lui, et partager son sort quel qu’il soit.

L’Américain répète, comme un phonographe enrayé :

— Commandant ! Commandant ! Commandant !

Et mistress Elliot, écroulée devant la tente, prie, la tête dans ses mains.

Seul, Bob Midy reste épanoui, regardant d’un air satisfait la poignée de la corde de soupape à laquelle il s’est suspendu tout à l’heure.

Il a servi à quelque chose dans la manœuvre et il en éprouve une satisfaction béate.

Il ne comprend rien à ce qui se passe ; les masques qui cachent en partie les visages bleuis l’empêchent de voir les traits convulsés de son maître. Il a conservé, lui, une souplesse relative, et manifestement, le froid l’éprouve beaucoup moins que les