Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/130

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montait en lui, à la pensée que, si près du point géographique dont la découverte passionnait le monde entier, il s’était laissé devancer par un étranger ?

Si le ballon lui-même avait atteint le Pôle, nul doute que tout l’honneur en fût revenu à la France ; mais il s’était arrêté en deça.

Or, à la différence des îles et des continents qui émaillent le globe terrestre, le Pôle était un point.

Ne pouvait se vanter de l’avoir atteint, celui qui s’en était approché à 6 kilomètres, alors que le degré d’approximation des instruments modernes peut le préciser à 500 mètres près.

Or, l’homme qui était en route pour atteindre ce point, qui l’atteindrait le premier, était un Américain, porteur du pavillon de sa nation.

La presse, le public, le monde entier ne connaîtraient jamais que cet étranger.

Et, de même que, dans une course, le vainqueur qui gagne d’une tête ou d’une épaisseur de pneumatique est le seul vainqueur acclamé, de même, dans l’imagination des hommes, l’Amérique apparaîtrait d’âge en âge comme la victorieuse, comme la dominatrice du Pôle Nord.

Cette idée fouetta l’officier, lui fit reprendre sa course.

Christiane avait vu juste ; et, pour avoir sacrifié le souci angoissant du lendemain à l’idée grandiose qui depuis deux jours la transfigurait, elle se révélait mieux trempée que lui, Française avant d’être