Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/143

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Elle était comme ivre de mouvement, ne sentant ni le froid, ni la fatigue ; elle éprouvait le besoin de parler haut, dans ce silence que troublaient seulement les explosions précipitées du moteur, et ne cessait de manifester son étonnement pour le merveilleux engin, qu’elle conduisait maintenant avec la plus parfaite aisance.

Jamais on n’eût pu croire, à la voir évoluer, gracieuse et ravie, sur ce jouet automobile, qu’elle était à plus de 5.000 kilomètres d’une famille qui la pleurait et où sa vie avait coulé jusque-là paisible et sans rides.

L’accident du Patrie avait éveillé en elle les goûts ancestraux pour la vie d’aventures ; le danger l’avait trempée rapidement, et l’amour avait fait le reste.

Maintenant elle était toute remuée, en sentant le but si proche.

Elle éprouvait en même temps une secrète joie de se sentir maîtresse de l’heure ; quand on approcherait, elle prendrait une avance suffisante pour être sûre d’avoir foulé la première le Pôle Nord.

Soudain, à une centaine de mètres, une sorte de muraille de glace se dressa, barrant l’horizon.

En une minute, Christiane en eut gagné le pied. Il ne fallait pas songer à l’escalader avec le traîneau, pas plus qu’à la gravir à pied, car elle avait une quinzaine de mètres de hauteur et ses parois étaient presque à pic.

C’était sans doute un de ces plissements de glace dus au choc de deux banquises jetées l’une contre