Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/181

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intervient, Christiane, et je n’en suis pas surpris. Mais, à mon tour, je vous dis : Appuyez-vous sur moi ; chassez cette vision ; moi, elle ne m’effraie pas, parce que notre carrière est de celles où il nous faut souvent avoir l’idée de la mort devant les yeux. Si nous devons finir comme Andrée, je me vois sans terreur étendu à vos côtés comme nous les avons trouvés… Je voudrais seulement que ceux qui nous trouveront à leur tour disent, en voyant nos mains unies : « Ils se sont aimés jusqu’au dernier souffle »…

Elle ferma les yeux et murmura lentement :

— Oh ! merci, Georges, vous êtes bien l’élu que j’attendais… C’est ainsi que je voulais être aimée !… Oui, la vision s’efface… Votre affection chasse l’effroi ; elle me donnera la force. Et puis, nous sommes entre les mains de Dieu : qu’il fasse de nous ce qu’il voudra, pourvu qu’il ne nous sépare point.

Ils demeurèrent un instant silencieux, écoutant leurs deux cœurs harmoniser leurs battements. Si distants l’un de l’autre par leur origine, si dignes de se comprendre néanmoins, ces deux êtres se complétaient par leurs qualités natives, comme la nacelle et l’aérostat de ce Patrie qui les avait emportés vers les régions de mystère et l’inconnu d’amour. Elle avait joué le rôle de l’aérostat, élevant l’âme de celui qu’elle avait choisi et l’entraînant dans une envolée d’apothéose ; lui était semblable à la nacelle qui se laisse emporter, mais sur laquelle fonctionnent à toute hauteur les organismes de direction et d’équilibre nécessaires à l’ensemble.