Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/211

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Emporté dans le vent, il fuyait vers l’inconnu.

Pour le moment donc, ils étaient sauvés, ils avaient échappé au danger le plus redoutable, celui d’être écrasés contre la falaise, avant d’avoir pu fuir, par le formidable cyclone qui maintenant faisait rage au-dessus du tombeau d’Andrée.

Mais toute la joie qu’eût dû en ressentir la jeune fille était gâtée par la pensée de cette agonie douloureuse d’un être humain injustement sacrifié. Elle maudissait l’Américain et mistress Elliot elle-même, dont toute l’oraison funèbre avait été un « Pauvre Bob ! » assez banal, et elle avait toutes les peines du monde à ne pas leur crier son indignation.

En somme, le malheureux nègre avait pourtant bien gagné sa place dans cet aérostat, où Georges Durtal ne l’avait accueilli qu’avec méfiance à la suite de son escapade sur la soupape. Son mauvais tour involontaire du début, Bob l’avait racheté en refermantcette même soupape, a l’instant le plus tragique de leur chute sur la banquise, en travaillant de son mieux au cours du sauvetage, et surtout en débarrassant l’enveloppe de son manteau de neige.

Sans l’initiative qu’il avait montrée là, quelques instants seulement avant le départ, le Patrie eût-il pu s’enlever ?

Son abandon était donc une mauvaise action, une révoltante injustice.

Pauvre nègre !…

Et comme la jeune fille, assise près du volant, murmurait de nouveau à son fiancé cette exclama-