Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/232

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— Non, sir James… c’est impossible… Il faut continuer… Il le faut !

Et cherchant à affermir sa voix pour donner à ses compagnons une confiance qui commençait à l’abandonner :

— Nous pouvons nous soutenir quelque temps encore. Il faut passer. Au delà, c’est le continent… il ne peut plus être loin.

Son regard croisa celui de Christiane.

Elle lisait en lui : elle devinait l’effort prodigieux qui lui était nécessaire pour prendre cette redoutable responsabilité.

— Georges, murmura-t-elle, vous seul savez ce qui est possible… Que Dieu vous inspire !…

Maintenant, la ligne bleue de la mer libre s’était élargie ; cinq ou six milles à peine séparaient les naufragés de cet inconnu plein d’épouvante…

Fallait-il aller plus loin ?

L’instant était tragique.

L’Américain et sa femme s’étaient rapprochés de l’officier, lui parlant tous deux à la fois.

— Commandant, croyez-vous que ?…

Mais Georges Durtal ne les écoutait plus.

Il s’était penché. Sous la nacelle, la banquise courait toujours à la même vitesse, mais craquelée, fêlée, laissant sourdre, ici et là, des taches vertes qui semblaient des flaques de neige fondue et qui, en réalité, étaient des abîmes.

La descente encore possible était rendue des plus dangereuses par ces regards ouverts sur la mer