Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/248

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— Et moi 96 : il n’y a donc pas à hésiter, votre délestage serait insuffisant.

Et l’Américain déboutonna vivement ses hautes guêtres.

Christiane n’avait pas quitté la main de son fiancé ; elle la serrait de toutes ses forces et, dans le regard dont elle l’enveloppait pendant cette discussion tragique, elle avait concentré tout son amour.

Mais elle ne dit pas un mot, ne fit pas un geste pour retenir Georges Durtal. Le jeune homme se grandissait encore à ses yeux, elle voulait rester digne de lui, en lui évitant les supplications dont mistress Elliot affolée assaillait maintenant son mari…

— Sir James, reprit l’officier avec autorité, je suis seul maître à bord, et je puis…

— Vous ne l’êtes plus, dit l’Américain, car nous flottons… D’après nos conventions, c’est moi qui commande ici…

La nacelle en effet venait de se poser sur les vagues ; tantôt elle les effleurait, et tantôt, participant à leur mouvement de houle, elle bondissait à leur crête.

Cette preuve de présence d’esprit chez l’Anglo-Saxon en un pareil moment eut pour effet de fouetter l’amour-propre de l’officier.

Sous le regard de Christiane, il ne laisserait pas à cet étranger le prestige d’un acte héroïque dont le silence même de la jeune fille était la manifeste approbation.