Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/83

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Si cet hymne avait été chanté au Pôle par le premier homme et la première femme, si la théorie de Laplace était vraie, c’était la chaîne interrompue qui se renouait : l’Eve moderne, de tentatrice, était devenue inspiratrice.

Ils causèrent longtemps encore. Elle lui fit raconter sa vie, étaler ses ambitions. Il avait commencé l’étude d’un aéroplane monoplan, muni d’ailes battantes. Il la poursuivrait. Ils échafaudèrent des projets, organisèrent leur intérieur et, les yeux fixés sur l’aiguille aimantée, grisé par la douceur de cet abandon, Georges Durtal manœuvrait machinalement les drisses du gouvernail, sans plus songer au baromètre, lorsqu’un choc violent ébranla toute la nacelle…

Elle s’inclina, se redressa, se pencha de nouveau, et un paquet de fourrures, d’où sortaient des cris perçants, roula dans les jambes des deux fiancés abasourdis.

C’était mistress Elliot, dont la voix vinaigrée eût réveillé tout le monde et Bob Midy lui-même, si le choc ressenti n’eût suffi à mettre tous les dormeurs sur pied.

Georges Durtal se pencha vers le baromètre, et ses traits exprimèrent une stupeur indicible.

— Tenez-vous bien, s’écria-t-il !

— Qu’y a-t-il ? Qu’arrive-t-il ?

Sans répondre aux dormeurs qui s’effaraient, l’officier, coup sur coup, jeta au dehors trois sacs de lest.