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— Mais oui, on a peur, ricana Totote dans son coin.

Urcel s’effaroucha du ton déterminé d’Alain ; pourtant il insista, mais en piétinant, sans avancer vers son but.

— Désintoxiqués, nous nous retrouverions tels que nous étions avant l’intoxication, désespérés.

Alain prit un ton narquois :

— Le désespoir est une chose, la drogue en est une autre. Le désespoir, c’est une idée, la drogue, c’est une pratique. C’est une pratique qui fait peur, si bien que nous avons bel et bien espéré nous désintoxiquer.

Urcel, à son tour, trouva le nous assez désagréable.

— Mais non, mais non, reprit-il d’un ton demi-froissé, demi-railleur, c’était une illusion, un reste de cette affreuse intoxication qu’est la vie.

Alain voyait la manœuvre d’Urcel qui, pour se dérober aux regrets, pour ne pas déplorer un échec, retournait la situation et niait d’avoir fait un effort. Comment peut-on se mentir à soi-même ? Et encore, la plupart, parce qu’ils ne sont pas lucides, parviennent aisément à se leurrer. Mais un esprit comme Urcel ? Il se grisait de mots, et pour pouvoir sans cesse parler ne restait jamais seul.


Alain, qui voulait voir se développer toute