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a des fumeurs qui vivent jusqu’à soixante-dix ans. Tout ce que vous risquez, c’est de vous abrutir.

Alain s’arrêta, regarda Urcel et soudain éclata de rire. Il songeait que la conversation avait fait enfin son tour complet : on en arrivait à expliquer cette idée de risque autour de laquelle Urcel tournait depuis une demi-heure et dont le tartufe croyait l’amadouer, lui, Alain.

Urcel, renversé dans les coussins, tourna vers le ciel une face suppliciée.

— Évidemment, à la longue, vivant moins, vous écrirez plus faiblement, acheva Alain avec lenteur. Et puis, après ? Mais peut-être que cela vous gêne ? Peut-être même, après tout, que cela vous gêne beaucoup ? Ce serait là le risque dont vous vouliez tant me parler.

Alain avait été trop loin ; soudain Praline lui jeta d’une voix sifflante :

— Vous en parlez à votre aise.

Alain frissonna.

— Il me semble qu’autrefois vous avez songé à écrire. Vous avez oublié les satisfactions que probablement vous en attendiez ?

Aussitôt Alain se déconcertait. Et pourtant, quand il refusait à Urcel le droit de parler de risque, c’était en connaissance de cause, car pour lui, le risque était évidemment quelque chose de plus grave que pour l’autre. Il s’était jeté sur la première pente qu’il avait rencontrée, mais il la descendait jusqu’au bout. Pour rien au monde