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— Je vous en prie, ma chère…

— Une œuvre, qu’est-ce que c’est que ça ? grinça Alain.

— Quand on a quelque chose dans le ventre, il faut que ça sorte. Vous ne savez pas ce que c’est.

— Ce qu’on a à dire on n’a besoin que de le dire une fois, on n’a pas besoin de le répéter.

— Mon pauvre ami, vous n’avez aucun sens de ces choses.

Alain, plus pâle que jamais, but une gorgée de whisky. Il regarda soudain Urcel.

— Vous écrivez depuis diablement longtemps.

Praline se préparait à bondir de nouveau en avant, mais Urcel la fit taire d’un geste brusque.

Alain se renfonça dans son fauteuil, savourant une certitude qui, pour être amère, n’en était pas moins facile. De nouveau, il comparait Urcel à Dubourg et se disait : « Voilà ce qui les retient à la vie : leur œuvre ! » Il s’éprenait définitivement de son idée de la gratuité. Naïf dandy, il croyait que tout pourrait être rapide, éphémère, sans lendemain : une trace brillante qui s’efface dans le néant.

Malgré l’avertissement d’Urcel, Praline se soulagea encore.

— Vous me faites rire. Vous vous arrangerez bien comme nous, entre la drogue et la vie.

Alain baissa les yeux doucement.

— Assez, cria Urcel.