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Il se retrouvait toujours lui-même dans la rue ; et déjà dans l’escalier. L’esprit de l’escalier, l’esprit des solitaires.

Cette nuit de novembre était belle : le froid faisait une ville sèche et vide ; pourtant, par manie, il cherchait un taxi. Il marchait d’un pas hâtif qui, pour un homme de trente ans, était lourd et saccadé.

Il lui semblait que la soirée tirait à sa fin, et pourtant il n’était que onze heures. Autrefois c’était un commencement, aujourd’hui il se demandait comment faire pour tuer encore deux ou trois heures.

Enfin, il trouva un taxi. Il s’y engouffra. Il donna l’adresse d’un bar dans le bas de Montmartre. Il suivait pas à pas sa vieille routine : autrefois, après le cinéma, il passait là une heure avant d’aller dans les boîtes de nuit.

Le monde était peuplé d’êtres que décidément il ne connaîtrait jamais. Il se tuerait demain, mais il fallait finir la nuit d’abord. Une nuit,