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lité physique plus ou moins haute, plus ou moins basse, comme ce que produisent la nourriture, la santé. « Je suis plein » ou « je ne suis pas plein ». C’était à cette alternative toute digestive que se réduisaient ses sensations. Dans sa conscience ne roulaient que les idées les plus banales, tout inspirées de la vie quotidienne, enveloppées d’une fausse légèreté. Il n’avait plus cette vivacité d’humour, qui, bien avant la drogue, lui était venue avec ses premières amertumes, encore moins cette floraison de rêveries prometteuses qui, à seize ans, lui avait fait une courte saison de jeunesse.

Enfin, pendant un été où il n’avait pu se baigner, ni demeurer longtemps au grand air, il avait vu en pleine lumière les caractères véritables de la vie des drogués : elle est rangée, casanière, pantouflarde. Une petite existence de rentiers qui, les rideaux tirés, fuient aventures et difficultés. Un train-train de vieilles filles, unies dans une commune dévotion, chastes, aigres, papoteuses, et qui se détournent avec scandale quand on dit du mal de leur religion.

La terreur, le dégoût, un reste de vitalité, le désir de se mettre en état de conquérir Lydia ou de reconquérir Dorothy et, avec l’une ou l’autre, l’argent, tout cela lui permit un suprême rassemblement de forces. De là, cette dernière tentative de désintoxication qui se terminait chez le docteur de la Barbinais.

— Vous ne m’avez pas l’air pourtant aussi