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lente. Il faut vous occuper tout de suite de lui donner corps. Toutes ces choses amuseront beaucoup de gens.

Entre autres projets fantomatiques, Alain avait celui de monter à Paris ou à New York une boutique où il aurait réuni tous ces objets vieillots, laids, ou absurdes, auxquels l’industrie populaire, sur le point de finir et devenant populacière, a donné le jour dans les cinquante dernières années, et dont les raffinés s’étaient entichés dans les années 20, reprenant et for‫çant les goûts bien plus anciens de quelques artistes. Donc, Alain pensait vendre très cher tout un bazar hétéroclite : manège de puces, collections de cartes postales sentimentales ou grivoises, images d’Épinal, boules de verre, bateaux dans une bouteille, figures de cire, etc.

Mais il fallait trouver des fonds pour monter la boutique. À qui s’adresser ? Alain avait mis à bout tous ses amis. Il échafaudait dans sa tête de vagues combinaisons, sans faire un pas d’ailleurs pour leur donner un peu de consistance. Par exemple, il intéresserait à son sort Mlle Farnoux. Mais Mlle Farnoux ne dépensait pas tous ses revenus et faisait la part stricte aux bonnes œuvres : un journal radical, deux ou trois émigrés russes et quelques anciens serviteurs dont elle s’était lassée.

Et puis Alain craignait que cette mode, vieille de quelques années, ne passât bientôt. Il ne savait pas qu’à notre époque composite rien ne