Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/54

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avait paru une promesse dont il s’était enivré. Il se rappelait le tressaillement des femmes quand alors il entrait quelque part. Il y avait surtout dans la large structure de son visage quelque chose d’infrangible qu’il regardait avec fierté, le matin, après une nuit d’orgie. Il en avait tiré longtemps un sentiment d’impunité. Mais aujourd’hui… Bien sûr, il y avait toujours la base solide des os, mais cela même semblait atteint, comme une carcasse d’acier gondolée, tordue par l’incendie. La belle arête de son nez s’était arquée ; pincée entre deux évidements, elle semblait prête à se rompre. La ligne autrefois décidée de son menton, qui marquait un si sûr défi, ne parvenait plus à s’imposer ; ‬elle tremblait, s’enlisait. Ses orbites non plus n’étaient plus des places nettes entres des tempes et des pommettes dures. Quelque chose de malsain était répandu dans tous ses tissus et les rendait grossiers, même la chair de ses yeux. Mais cette graisse jaune, qu’avait fait affleurer le travail difficile de la désintoxication, c’était encore trop de vie, trop d’être : le moindre rictus, la moindre grimace faisait reparaître ces terribles creusements, ces terribles décharnements qui avaient commencé, un an ou deux auparavant, de sculpter un masque funéraire à même sa substance de vivant. Il devinait, prêtes à reparaître, ces grisailles, ces ombres qui l’avaient rongé si profondément jusqu’au mois de juillet précédent.