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a que les enfants qui tiennent debout. » On en doutait, à les voir elles-mêmes si nonchalantes.

Alain baisa la main de Fanny avec une grande gentillesse. Dubourg le regardait faire avec incrédulité, persuadé que personne d’autre que lui ne pouvait remarquer l’existence d’une femme qui n’était pas jolie et ne s’exprimait que dans des transports secrets.

Elle fit signe que le déjeuner était servi. On passa dans sa chambre où était dressée une table légère entourée de tabourets. Comme à côté, le tapis était très épais. Les murs étaient recouverts d’étoffes claires sur lesquelles se superposaient çà et là des morceaux de broderies coptes, aux dessins délicats et vifs.

Pendant tout le repas, composé de deux plats étranges, légers et subtils, et de fruits, Alain et Dubourg parlèrent seuls. Fanny, Faveur et l’autre fille dont Alain ne se rappelait pas le nom, écoutaient avec un plaisir dissimulé. Alain se sentait entouré d’un charme insinuant, d’un complot discret : le chat même se mettait de la partie et le frôlait comme par mégarde.

Dubourg craignit qu’il ne se cabrât et tâcha de le divertir par des plaisanteries. Il rappelait des histoires du jeune temps : mais Alain qui, depuis qu’il avait atteint la trentaine, se gorgeait du souvenir de ses dix-huit ans, ne pouvait supporter un pareil rappel sentimental chez les autres. Pourtant Dubourg parlait avec un détachement assez cocasse et n’usait que de