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Quelques moments plus tard, Alain et Dubourg marchaient côte à côte entre la Seine et les Tuileries. Ils étaient tristes et amers. Dubourg voyait que l’occasion de sauver Alain était passée. Il se disait que s’il avait été bien imbu de lui-même, il se serait jeté sur Alain avec brutalité ; il l’aurait insulté, saccagé. Il lui aurait crié : « ‬Tu es médiocre, accepte ta médiocrité. Tiens-toi à l’échelon où la nature t’a placé. Tu es un homme ; par le fait de ta simple humanité, pour les autres, tu es encore inappréciable. »

Mais il n’était pas de taille à traiter ainsi un Alain. Et d’ailleurs, Alain était-il médiocre puisqu’il était irremplaçable, inimitable ? Ne fallait-il pas plutôt prendre le parti de le louer ? Il y avait dans cet homme perdu un ancien désir d’exceller dans une certaine région de la vie, que l’applaudissement aurait pu redresser…

Mais Dubourg aussitôt devait reconnaître qu’il ne pouvait aller loin dans cette direction.