Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/153

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La vision de cette mort qui vient à grands pas et après laquelle il n’y a rien, de ce cercueil qu’on monte un jour dans ce magnifique appartement dont les glaces resteront voilées pendant sept jours, de ce cadavre qu’on emporte à moitié pourri, met une ombre sur tous ces fronts[1].

Si les Juifs, en effet, ont gardé au plus profond d’eux mêmes la notion d’un Dieu unique, si leur mission providentielle a été de maintenir et de répandre cette foi dans le monde, la croyance en une vie future est chez eux très confuse et très vacillante, quoique les prières funèbres en fassent mention. Les Pharisiens eurent des tendances spiritualistes, mais les Sadducéens étaient absolument matérialistes. Il est à peine question de l’immortalité de l’âme dans le Pentateuque et le seul texte qui en parle nettement dans l’Ancien Testament est ce verset de Daniel : « Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte éternelle. »

La Mischna défend de sonder ces problèmes et l’Agadah rapporte à l’appui de cette défense l’histoire de quatre docteurs Ben-Azai, Ben-Zoma, Akiba et Acher qui osèrent s’aventurer « dans les avenues du Paradis. » L’un d’eux

  1. Les Juifs évitent même de prononcer le nom de la mort. Nous voyons au traité Ketoubtoh (8 b) qu’un rabbin fut blâmé pour avoir dit dans une oraison funèbre : « Beaucoup d’hommes videront la coupe de la vie » « Beaucoup d’hommes ont vidé la coupe, est une expression permise » dit Abayé, « mais il faut éviter de dire beaucoup d’hommes videront la coupe. » Dans Berachoth (80 a), Abayé renouvelle encore cette défense de parler de la mort.
    L’usage de vider toute l’eau d’une maison dans laquelle quelqu’un vient d’expirer est inspiré par le même sentiment. C’était une façon d’annoncer le décès au voisinage sans employer le mot néfaste.