Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/206

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posture si ignominieuse et si déshonnête, que j’ai honte de la décrire.

« Nos gens n’auraient pas fait attention au contenu de la lettre, si tout à coup et par hasard ils n’avaient été frappés de la longueur et de la largeur de ce sceau. Des juifs nouvellement convertis traduisirent la lettre. Bananias lui-même et six autres juifs suffisamment instruits firent la même traduction, non point d’eux mêmes, mais contraints par la crainte et par la force. Séparés ensuite et mis à la torture, Bananias et ses compagnons persévérèrent à présenter la même traduction. Trois clercs instruits dans la science théologique et dans la langue hébraïque traduisirent enfin la lettre en latin. »

La lettre était adressée au prince des Sarrasins, maître de l’Orient et de la Palestine, siège de la nation juive, et dont le pouvoir s’étendait jusqu’à Grenade, en Espagne. On y demandait qu’un traité d’amitié fût conclu entre les Juifs et les Sarrasins, et montrant l’espoir de voir les deux peuples réunis un jour dans la même religion, on priait le prince de vouloir bien restituer aux Juifs la terre de leurs ancêtres. On y lisait :

La nation chrétienne obéit au fils d’une femme vile et pauvre de notre peuple, qui a injustement usurpé notre héritage et celui de nos pères.

Lorsque nous aurons pour toujours réduit cette nation sous le joug de notre domination, vous nous remettrez en possession de notre grande cité de Jérusalem, de Jéricho et d’Ai, où repose l’arche sacrée. Et nous pourrons élever votre trône sur le royaume et la grande cité de Paris, si vous nous aidez à parvenir à ce but. En attendant, et comme vous pourrez vous en assurer par votre noble vice-roi de Grenade, nous avons travaillé à cette œuvre en jetant adroitement dans leurs boissons des substances empoisonnées, des poudres composées d’herbes amères et pernicieuses, en jetant des reptiles venimeux dans les eaux, dans les puits, dans les citernes, dans les fontaines et dais les cours d’eau, afin que les chrétiens, les uns après les autres et chacun suivant sa constitution, périssent prématurément sous les effets des vapeurs corrompues exhalées par ces poisons.