Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

changer de chemise au pont de Neuilly, tant sa chemise était gastée. Le chancelier dans le carrosse duquel il était dit qu’il se présenta assez hardiment aux voleurs. Le cardinal eut du déplaisir de lui avoir fait ce tour-là, car il avait joué à faire mourir ce pauvre homme et pour raccommoder cela il le fit manger à sa table. Ce n’estait pas un petit honneur.

On n’épargnait guère, d’ailleurs, les plaisanteries à Lopez.

Un jour l’abbé de Cercey et Lopez faisaient des façons à qui passerait le premier. — Allez donc, Lopez, dit Chasteller, maître des requêtes (ce corps décidément n’aimait pas les Juifs), l’Ancien Testament va devant le Nouveau.

Un autre jour il demandait un prix excessif d’un crucifix. — Hé, lui dit-on, vous avez livré l’original à meilleur marché.

En dépit des railleurs, Lopez, à force de cumuler les métiers divers, n’en arriva pas moins à une fortune considérable qu’il affichait avec le mauvais ton de ses pareils. Il avait six chevaux de carrosse, « et jamais carrosse ne fut tant de fois au-devant des ambassadeurs que celui-là. »

Il possédait une assez belle maison dans la rue des Petits Champs et répétait sans cesse : « Il y a une quantité immense de cheminées dans mon logis. »

En quoi cette phrase sur laquelle s’esclaffent les contemporains est-elle étonnante ? Telle est la réflexion qui viendra à chacun et cet étonnement même indique bien le chemin parcouru de la société polie, raffinée, bien élevée d’alors à la société brutale et grossière d’aujourd’hui.

De nos jours le sentiment de certaines nuances délicates est émoussé même chez les chrétiens. Personne n’est surpris lorsque le baron Hirsch, ayant à sa table des gens qui ont la prétention de représenter le faubourg Saint-Ger-