Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/230

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lement accordé à cette époque, le Dr Tavey dans son Anglica judaïca nie le fait. Dans son curieux livre sur Moses Mendelssohn » et sur la réforme politique des Juifs en Angleterre, Mirabeau, qui fut l’homme des Juifs comme Gambetta, raconte ainsi les négociations qui s’engagèrent à ce sujet.

La haine du papisme qui prévalait alors, ou plutôt qui déployait d’autres fureurs, avait inspiré des dispositions favorables pour les Juifs. Il se fit plusieurs motions parlementaires en leur faveur et si aucune ne fut suivie de succès, elles encouragèrent du moins les juifs d’Amsterdam à faire quelques propositions pour former un établissement de leur nation en Angleterre.

On entra en négociation et Manassé Ben Israël fut choisi pour traiter des conditions. Ce vénérable rabbin vint en Angleterre et détermina Cromwell à prendre en très sérieuse considération les demandes qu’il fit au nom de ses frères.

Alors le Protecteur appela dans son conseil deux juges, sept citoyens et quatorze ecclésiastiques. Il leur demanda s’il était licite de réadmettre les juifs en Angleterre, et dans le cas où ils tinssent pour l’affirmative, sous quelles conditions cette nation devrait être rappelée ? Quatre jours se consumèrent en disputes inutiles de la part des ministres du Saint Evangile et Cromwell les congédia en leur disant qu’ils le laissaient beaucoup plus incertain qu’ils ne l’avaient trouvé.

On ignore le résultat des délibérations particulières du Protecteur. Quelques écrivains à la vérité déclarent positivement qu’il accorda aux juifs la permission de s’établir en Angleterre, mais d’autres soutiennent que cette permission ne leur fut donnée que sous le règne de Charles II, dans l’année 1664 ou 1665.

Manassé ben Israël, auquel Victor Hugo a donné tant de relief dans son drame de Cromwell, remplissait près de Cromwell ce rôle dans lequel excelle le Juif, ce rôle de Reinach auquel on peut tout dire sans craindre d’être gêné par cette conscience qu’on sent vivre au fond de l’âme du plus