Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/441

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pris un emploi pour manger, leur paraissait digne de tous les châtiments puisqu’ils ne le comprenaient pas.

La notion de la réalité fut ce qui manqua surtout à ces hommes d’une honnêteté indiscutable, mais d’une expérience pratique nulle, qui, n’étant ni illuminés par en haut, ni renseignés par en bas, devraient fatalement être vaincus par des hommes qui sortaient tout meurtris, tout vibrants, tout fumants, tout souillés parfois de la vie la plus réelle et la plus difficile.

Prenez le plus illustre de ces vaincus, le duc de Broglie. Que pouvait-il savoir du Paris moderne ? Il n’avait probablement jamais mis les pieds ni dans un atelier, ni dans un café, ni dans un lupanar, il n’avait causé, les yeux dans les yeux, ni avec des ouvriers déraisonnant après leur journée faite, ni avec des agitateurs de carrefour, qui remuent la société en bouleversant des dominos, ni avec des filles qui vivent et meurent de la corruption des villes. Il quittait sa maison pleine d’exemples dignes d’être imités, de glorieuses traditions, de sentiments élevés, pour aller en voiture vers un autre salon où il retrouvait la même atmosphère, il n’était jamais sorti d’un monde où l’on parle et où l’on pense noblement, où les faiblesses mêmes se voilent d’apparences idéalistes, où les passions sont rarement basses. En regardant en lui-même, il n’apercevait rien qui fût une dégradation de l’homme, il se voyait tout jeune, travaillant comme s’il avait sa carrière à faire, obstinément fidèle, dans son optimisme généreux, à certaines idées libérales, ayant de l’orgueil, sans doute, mais le bel orgueil des lettres, la louable ambition de rendre des services à son pays.

Evidemment, cet ancien président du Conseil aura été mêlé activement au mouvement d’un siècle où le Juif a