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le juif

peuple de revendeurs, de receleurs, de prêteurs sur gages et vous aurez une salle de première.

Eux-mêmes semblent avoir la notion de cette situation. À la fois arrogants et humbles ils paraissent attendre philosophiquement le coup de marée qui les portera à la ville ; à la fortune, aux honneurs. Ils ne sont point pressés et ne se trouvent pas malheureux.

Au centre de ce quartier plein de loques s’élève une synagogue dans le style oriental qui est une merveille ; on la montre avec complaisance à l’étranger ; on prend même parfois le goy curieux pour quelque frère arrivé qui veut se rendre compte de la position des frères en retard. J’ai donné là vingt kreutzers à une femme chaussée de bottes énormes qui voulait absolument m’embrasser la main. « Inutile, ma vieille, lui ai-je dit, je suis charmé de t’être agréable ; ton fils sera probablement mon maître et je serais très content de gagner un morceau de pain en collant des bandes dans son journal. »

Un Christ, pliant sous le faix douloureux de la croix, dont l’expression vous arrache des larmes, indique l’endroit où finit ce ghetto libre où les Juifs restent volontairement. Prudents en ce pays, et pour cause, les Israélites n’ont encore que légèrement mutilé ce Christ devant lequel une lampe brûle toute la nuit ; ils se dédommageront quand ils seront ministres, sénateurs, députés, conseillers municipaux, préfets en France en jetant dans le tombereau à ordures les crucifix de nos églises après ceux de nos écoles.

Au bout de la montée on est devant le château de Schlossberg où furent longtemps couronnés les rois de Hongrie et que Marie Thérèse habita. Rien n’est saisissant comme ce burg où l’incendie n’a laissé que les murs ; ouvert à tout vent, béant, formidable encore, il se détache avec un étrange