Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/535

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est en péril, chaque fois que le sang ruisselle de ses flancs, les larmes de ses yeux, il y a des milliers d’hommes de proie qui s’abattent sur elle, qui se précipitent pour recueillir ce sang et ces larmes et, hideux alchimistes, les transformer en or. Du fond de quels antres, de quelles banques, de quels bagnes, de quels ghettos déchaînés ces misérables étaient-ils accourus ?

La bouche tordue, les bras agités, les yeux allumés de rapines, ils couraient, s’écrasaient, se marchaient les uns sur les autres, et une immense clameur montait, plus barbare que les cris de victoire des Chinois. Les marches du grand bâtiment étaient toutes noires, de cette foule grouillante et grimaçante, qui semblait porter, sur ses épaules, le monstre énorme et sans yeux, d’oû l’on entendait sortir, comme des bruits d’écroulement — l’écroulement de la fortune de la France. Et l’on se demandait si la France n’était point là, couchée dans ce tombeau, belle, pale et morte, et si toutes ces mains avides, pareilles à des tentacules de pieuvres, ne s’approchaient pas d’elle, ne se posaient pas sur elle, et, lentement, l’enlaçant de leurs mille suçoirs, de leurs mille ventouses, ne pompaient pas le sang tout chaud de ses veines ouvertes.

Ces bandits souhaitaient que le désastre fut plus irréparable encore, la défaite plus définitive. Ils inventaient les nouvelles sinistres, comme si la réalité n’était pas déjà assez douloureuse, et le deuil assez sombre. Il ne leur suffisait pas que, là-bas, notre petite armée fût peut-être perdue et que peut-être pas un de ceux qui ont combattu ne revint vers le pays qui les pleure, ils faisaient courir le bruit que l’émeute était dans Paris, qu’on s’égorgeait autour de la Chambre et sur les boulevards.

S’ils avaient pu apprendre tout d’un coup que la Patrie s’effondrait, qu’il n’y avait plus que des ruines, que de Marseille à Lille, de Nancy à Bordeaux, la France était devenue un champ horrible de carnage, quelles acclamations et quels forcenés hurrahs. Et à mesure que les cours s’éffondraient, à mesure que nos rentes, sous l’effort de ces brigands unis, s’abîmaient affolées, dans la déroute, on voyait la joie se crisper sur ces visages, pareils à ceux de ces juifs sordides qui, le soir des batailles, parmi les affûts de canons brisés et les fusils tordus, vont dépouiller les blessés et détrousser les cadavres.

Oui, je vous le jure, j’ai souhaité un instant de voir les canons