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gambetta et sa cour

tre si utile à quelques-uns dont le moindre geste était épié par des regards complaisants.

Charcot, sans doute, qui promenait dans ce salon plein de lumières et de fleurs ce visage d’Esculape de marbre, ce visage pensif et bienveillant malgré la sarcastique contraction des lèvres, savait probablement, dès cette époque, à quoi s’en tenir. Quelles amères et profondes jouissances philosophiques doivent avoir les confesseurs laïques de la pénétration de celui-là, qui circulent à travers le monde, sachant la blessure invisible de tant d’intelligences, le délai bref assigné parfois par la Destinée à certains ambitieux qui ne mettent point de bornes à leurs espérances quand déjà la vie en a mis à leurs jours !

Il serait peut être revenu au pouvoir pour pousser à cette guerre à laquelle on aspirait tant autour de lui ; mais Dieu jugea qu’il avait fait assez de mal, il le toucha du doigt et il ne vit pas l’année nouvelle. Par une rencontre singulière, cet aventurier, qui tient tant des héros de Balzac, mourut dans la villa même de l’auteur de la Comédie Humaine. Balzac, qui avait prévu la grandeur d’Israël, a eu le Juif pour remplaçant dans toutes les maisons qu’il a occupées. C’est Gambetta qui s’est assis sous les arbres qu’avait plantés le peintre de tant de présidents du conseil, grands seigneurs et grands hommes d’État ; rue de Monceau, Mme  de Balzac venait à peine d’expirer que Mme  Salomon de Rothschild envoyait réclamer les clefs de l’hôtel qu’elle avait acheté. Aux champs, Balzac eut pour successeur Gaudissart, à la ville, il eût Nucingen.

Le dimanche où mourut Gambetta, nous lisions à l’office du jour : « Tolle puerum et matrem ejus, defuncti sunt enim qui quœrebant animam pueri. Reprenez l’enfant et la mère, car ils sont morts ceux qui en voulaient à l’âme de l’enfant. »