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la france juive

membres de la gauche, qui défilait gravement, mêlant à de patriotiques lamentations des appréciations diverses sur les mines d’or de l’Uruguay de Tirard, qui valaient encore deux écus, et les pêcheries de Baïhaut, qui ne valaient plus que vingt sous tout mouillé !

La vision de la place de la Concorde, au grand jour des obsèques, m’est restée dans les yeux. Un temps de mars, avec des giboulées menaçantes plus qu’un temps de janvier, un soleil trempé de pluie, les cavaliers de retour du Bois arrêtant leurs chevaux au bas de l’avenue, des femmes de tous les mondes, en toilette du matin, grimpées sur des voitures, des grappes humaines dans les arbres, la terrasse des cercles pleine de curieux, au loin la façade de la Chambre avec son grand voile noir, — décor théâtral qui ne choquait pas et convenait à l’homme et à la circonstance.

L’impression, d’un bout à l’autre de Paris, fut la même. Un certain plaisir d’être débarrassé, mais nulle haine. Gambetta mort n’inspirait pas la haine, on ne découvrait pas en lui les côtés bassement féroces de Ferry, qui goûte un plaisir personnel aux méfaits qu’il commet. L’opinion unanime, devançant le jugement de l’histoire qui commençait déjà, sentait très bien que cet homme avait été un instrument, un délégué des Francs-Maçons, qui lui avaient offert le verre dans lequel avait bu Luther, un chargé d’affaires des Juifs, qui avaient mis sur ses épaules un manteau d’Empereur temporaire.

Le prince de Hohenlohe, qui vint une minute devant la Chambre et qui, naturellement, refusa de suivre un enterrement civil, dit simplement sur le pont de la Concorde à une dame que je pourrai citer : « Vous n’avez pas perdu grand chose avec Gambetta, mais c’est un grand malheur pour vous que la mort de Chanzy. »