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la france juive

Figurez vous Gambetta ayant à exprimer la même idée, il aurait dit : « Oui, j’ai eu des attaches avec les partis avancés, comme l’Océan est mêlé aux agissements des lions qui rugissent. »

Pourquoi la langue fourchait-elle toujours à ce virtuose si habile comme exécutant ? C’est qu’il n’avait absolument aucune fibre par laquelle il tînt au sol, qu’il ne communiait réellement avec aucun des sentiments vivants dans l’âme française[1]. Il n’avait pas plus le sens exact des mots, nés en son absence pendant que les siens psalmodiaient l’hébreu dans les ghettos d’Allemagne, qu’il n’avait la tradition de ces pensées magnanimes ou de ces notions innées, en quelque sorte, qui empêchent aussi bien les Français de frapper sur les faibles que de dire que Bouvines est une défaite.

Les mots, sans rapports entre eux, employés presque au hasard, indiquent merveilleusement l’homme qui ne tient à rien, le politique qui ne se rattache ni au passé, ni à l’avenir. Les phrases ici ne sont ni les fleurs dont les racines plongent dans la terre et qu’on voit se former et se développer, ni les fleurs qui, cueillies, gardent encore dans leur calice et dans leur tige une fraîcheur qui dure quelques jours. — C’est le bouquet, cousu de fil grossier, attaché avec de la paille, entouré de papier blanc, qu’on donne aux filles dans les restaurants de nuit, ou qu’on jette aux cabotines dans les cafés-concerts ; celles-ci le cèdent à une bouquetière qui le recède à une autre jusqu’à ce qu’on le balaie

  1. « Entre la langue et le caractère d’un peuple, a dit très justement Leibnitz, il y a la même relation mystérieuse qu’entre la lune et la mer. »