Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/540

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d’abord assez bien, mais bientôt tout prit autour de lui un relief fantastique. Les chemins s’entre-croisèrent, les silhouettes gigantesques des arbres sous la réverbération de la neige revêtirent des formes trompeuses ; le froid fit affluer le sang aux tempes du voyageur. Saisi par le délire, il s’imagina sans doute qu’il avait toujours Tarbouriech à ses trousses, il précipita sa course et tomba dans des sentiers à peine praticables en plein jour. A l’aube, un bûcheron le trouva étendu, le crut mort, s’aperçut qu’il respirait encore et parvint à le ramener à la vie.

Le pauvre homme n’en était pas moins perdu. Il revint à l’Hermitage pour y achever une existence dont les jours étaient désormais comptés. Il aurait fallu, pour empêcher ce vieillard de rentrer chez lui, établir sur ces hauteurs un poste fixe de gendarmerie. On eût demandé les fonds nécessaires à la Chambre, que la gauche, toujours libérale, eût trouvé cette proposition admirable et digne d’elle ; on n’y songea pas.

Tel était le récit qu’on nous avait fait au village, un matin que nous partions en caravane pour accomplir cette excursion à l’Hermitage à laquelle nous ne manquons jamais chaque fois que les vacances désirées nous ramènent vers le Forez qui est devenu notre pays d’adoption.

Quand on a fait une lieue environ on s’arrête quelques minutes à un hameau appelé les Baraques.

— Vous savez la nouvelle ? nous dit-on quand nous arrivons.

— Non.

— Ce pauvre Père Corentin est mort, il a achevé de mourir plutôt ! Il était préparé du reste ; hier dimanche, il nous a fait ses adieux. « J’aurai encore la force de dire ma messe aujourd’hui, et je prierai pour ceux qui nous ont