Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/541

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aimés et aussi pour ceux qui nous ont persécutés, puis je m’en irai… » Il a dit sa messe et il est parti une heure après…

La pensée du brave homme expiré nous attrista, mais bientôt le charme du chemin fit diversion à ce sentiment.

Rien n’est merveilleux comme celle montée en juillet. Les muguets, les jonquilles, les gentianes du printemps ont déjà disparu, il est vrai, mais il reste les œillets sauvages, les pensées et les violettes qui tapissent le chemin. On gravit à travers d’énormes fougères qui font comme un piédestal verdoyant aux grands chênes, aux bouleaux toujours agités et tremblants, aux hêtres touffus qui préparent aux sapins sombres du sommet.

Parfois un murmure régulier étonne l’oreille, c’est un ruisseau qui sort en écume d’argent de quelque rocher couvert de mousse et qu’il faut traverser sur un tronc d’arbre. Comme l’Obéron des légendes qui sautait au-dessus des torrents sans mouiller ses grelots, les enfants franchissent l’obstacle d’un bond. Ma petite nièce, Anaïs, qui disait si gentiment qu’elle voulait apprendre à écrire pour faire de la copie pour son oncle, excellait à ce jeu et c’est en vain que mon autre nièce Marie, déjà plus grave, lui prodiguait de sages conseils.

Quand on est au bout on pousse un cri d’admiration. On débouche en effet sur un tapis de velours vert qui fait oublier les vieux bâtiments du couvent devant la féerie de cette nature éternellement jeune.

Malgré tout, le voisinage de la mort donnait à ce paysage une mélancolie qu’il n’a pas ordinairement. Le cri sinistre de la hulette qui retentissait obstinément dans cette solitude disait qu’il y avait là un cadavre. A une fenêtre on distinguait une lueur presque imperceptible qui faisait un