Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 2.djvu/125

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Vous soyent tousjours à dos, et jamais dans vos yeux
Ne permettent couler le doux présent des cieux :
Mais dessus vostre cœur, et dans vostre courage
Préparant de leurs mains le venin et la rage,
De leurs gros lézards verds vous facent jour et nuict
Porter devant vos yeux la peine qui vous suit.
Nulle foy, nulle amour, nulle ferme alliance.
Demeure en vos maisons, mais toute deffiance,
Toute crainte et soupçon, toute meschanceté,
Tout inceste y habite, et toute impieté.
Du père envers le fils, du fils envers le père.
Du frère vers la sœur, de la sœur vers le frère,
Jusqu’à tant que les uns ayent les autres deffaits,
Et tousjours y pullule un hydre de forfaicts.
Ce malheur entre vous passe de race en race,
Afin que de ma mort la vengeance se face.
Sur vous, sur vos enfans, et dessus vos nepveux,
Sur les fils de leurs flls, et ceux qui naistront d’eux,
Je verray tout cela, et au fond de ce gouffre
Où pour mes vieux péchez je brusle en feu de souffre
Au milieu des tourmens (oubliant ma douleur)
Je me resjouiray de voir vostre malheur.
Ici l’ombre se teut, et à teste panchée
Au fond du lac ombreux soudain s’est recachée.
Laissant à ses enfans un présage asseuré
Du malheur qui les suit pour avoir parjuré,
Et pour avoir souillé d’une tache éternelle
Leur sang et leur maison par la mort paternelle.


LA COMPLAINTE DU DESESPÉRÉ

Qui prestera la parole
A la douleur qui m’affole ?
Qui donnera les accens
A la plainte qui me guide.
Et qui laschera la bride
A la fureur que je sens ?
Qui baillera double force