Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 2.djvu/132

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Que les vents ont animée,
Forcenant cruellement
En mille poinctes s’eslance,
Dédaignent la violence
De son contraire élément.
Quand l’obscurité desserre
Ses ailes dessus la terre.
Et quand les presens des Dieux
Pour emmieller la peine
De toute la gent humaine
Charme doucement les yeux.
Lors d’une horreur taciturne
Dessous le voile nocturne
Tout se fait paisible et coy :
Toute manière de beste
Au sommeil courbe la teste
Dedans son privé requoy.
.Mais le mal qui me resveille
Ne permet que je sommeille
Un seul moment de la nuict.
Sinon que l’ennuy m’assomme
D’un espouventable somme
Qui plus que le veiller nuit
Puis quand l’aube se descouche
De sa jaunissante couche
Pour nous esclairer le jour,
Avec moy s’esveille à l’heure
Le soin rongeard, qui demeure
En son familier séjour.
Où tout cela, que Ion nomme
Les bienheuretez de l’homme,
Ne me sçauroit esjouyr,
Privé de Taise qu’apporte
A la vie demi-morte
Le doux plaisir de l’ouyr,
Et si d’un pas difficile
Hors du triste domicile
Je me traine par les champs
Le souci, qui m’accompagne,
Ensemence la campagne
De mille regrets tranchans.