Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 2.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ma langue n’a point menti :
Si au rang de l’homme juste
Avecques le plus robuste
Jamais je n’ay consenti :
Si la vieille depiteuse
Du mal d’autruy convoiteuse : ^
Si l’ire, si la rancueur,
(Et si quelque autre furie
A sur l’homme seigneurie)
Ne m’ont atfolé le cœur :j
Divine Majesté haute
D’où me viennent, sans ma faute
Tant de remors furieux ?
O malheureuse innocence,
Sur qui ont tant de licence
Les astres injurieux.
Heureuse la créature,
Qui a fait sa sépulture
Dans le ventre maternel !
Heureux celuy, dont la vie
En sortant s’est veuë ravie
Par un sommeil éternel.
Il n’a senti sur sa teste
L’inévitable tempeste,
Dont nous sommes agitez.
Mais asseuré du naufrage
Dé bien loin sur le rivage
A veu les flots irritez.
Sus mon âme, tourne arrière.
Et borne ici la carrière
De tes ingrates douleurs.
Il est temps de faire espreuve.
Si après la mort on treuve
La fin de tant de malheurs.
Ma vie désespérée,
A la mort délibérée
J’à desjà se sent courir.
Meure donques, meure, meure,
Celuy qui vivant demeure
Mourant sans pouvoir mourir.
Ainsi le Divin d’Adraste,