Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 2.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

S’il estoit compagnon des Dieux.
Quand j’oy les Muses c«cqueter,
Enflant leurs mots d’un vain langage,
Il me semble ouïr cracqueter
Un perroquet dedans sa cage :
Mais ces fols qui leur font hommage.
Amorcez de vaines douceurs.
Ne peuvent sentir le dommage
Que traînent ses mignardes Sœurs.
Si le fin Grec eust esconté
La musique Sicilienne
Peu coutement, s’ils eust gousté
A la couppe Circeienne,
De sa douce terre ancienne
Il n’eust regousté les plaisirs :
Et Dieu chassera de la sienne
Les esclaves de leurs désirs.
O fol, qui se laisse envieillir
En la vaine philosophie,
Dont l’homme ne peut recueillir.
L’esprit, qui l’âme vivifie !
Le Seigneur, qui me fortifie
Au labeur de ces vers plaisans,
Veut qu’à luy seul je sacrifie
L’offrande de mes jeunes ans.
Puis quelque délicat cerveau
D’une impudence merveilleuse.
Dit que pour un esprit nouveau
La matière est trop sourcilleuse.
Pendant la vieillesse honteuse
D’avoir pris la fleur pour le fruit.
Haste en vain sa course boiteuse
Après la vertu, qui la suit.
Celuy, qui prenoit double pris
De ceux qui sous un autre maistre
L’art de la Lyre avoyent appris,
M’enseigne ce que je dois estre.
Sus donques oubliez ma dextre
De cette Lyre les vieux sons.
Afin que vous soyez adextre
A sonner plus hautes chansons.