Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 2.djvu/68

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D’une audacieuse fuite
Nos compagnes vont foulant,
Mais les ruisseaux vont coulant
Tousjours d’une mesme suite.
O qu’ils ont tardé souvent
Et les ondes et le vent,
Quand les Nymphes Poictevines
Et les dieux aux pieds de bouc
Trespignoient dessous le joug
De ces cadences divines !
Mais bien les trouppeaux barbus
Oyant des sommets herbus
Ses aubades nonpareilles,
Ont fait mille et mille sauts,
Et les plus lourds animaux
En ont chauni des oreilles.
Ainsi le grand Thracien
De son lut musicien
Tiroit les pierres oyantes,
Les fleuves esmerveillez
Et des chesnes oreillez
Les testes en bas ployantes.
Heureux berger désormais,
Tu seras pour tout jemais
L’honneur des champs et des prées,
L’honneur des petits ruisseaux,
Des bois et des arbrisseaux,
Et des fontaines sacrées :
Pour sonner si bien tes vers
Sur les chalumeaux divers
Dont la douceur esprouvée
Aux oreilles de bon goust.
Coule plus doux que le moust
De la première cuvée
L’amour se nourrit de pleurs
Et les abeilles de fleurs,
Les prez aiment la rosée,
Phœbus aime les neuf Sœurs,
Et nous aimons les douceurs
Dont ta Muse est arrousée.
Ores, ores il te faut